Pour mémoire, c'est ce type que Bazin s'est mis en tête de recruter cet été...
Vieira court après lui-même :Manquant de souffle, de jambes et de beaucoup d'autres choses, Patrick Vieira a été l'ombre de lui-même mardi contre le Nigeria (0-1). L'écart entre ce qu'il produit en équipe de France depuis deux ans et ce qu'il lui a apporté naguère est énorme. Pourra-t-il un jour être réduit ?
C'est peut-être une croyance qu'il va falloir se résoudre à enterrer, comme on finit par admettre que le père Noël n'existe pas. Depuis des mois, bientôt des années, à chaque fois que l'équipe de France donne l'impression de patauger dans son jeu, l'ombre envahissante de Patrick Vieira plane sur tous les ressentis : «Il manque ce joueur capable de faire le relais entre le milieu et l'attaque, de se projeter vers l'avant». C'était l'esprit. Toulalan et L. Diarra connaissent ce refrain par coeur. Le problème, c'est que quand Vieira est là, le chaînon manque toujours. Voire plus que jamais. Mardi, à Saint-Etienne, le milieu de l'Inter Milan a passé 90 minutes au carrefour du jeu des Bleus, associé à Alou Diarra puis à Jérémy Toulalan. Mais comme contre l'Espagne à Malaga (0-1), comme face à l'Uruguay l'année dernière (0-0), lors de ses deux précédentes sorties, l'impact du capitaine fut si faible qu'une impression désagréable a parfois émergé : l'autre récupérateur avait une double part de travail à faire dans le pressing.
Incapable de courses d'une grande intensité, errant entre une somme de tâches qu'il n'était pas capable de réaliser simultanément (harcèlement, replacement, relance et leadership), Vieira n'a livré que de minuscules bribes du savoir-faire qui a pu le rendre si précieux dans le passé. Pire, pour le magnifique guerrier qu'il fut : il a parfois donné l'impression de fuir le duel. Sa récupération haute de la 40e seconde à l'origine de la première incursion bleue était une promesse sans lendemain. Son intervention autoritaire devant Ikechukwu Uche (52e) à l'angle de la surface, l'exception qui confirme la règle. S'il n'est pas à fond physiquement, Vieira ne peut pas être Vieira. Il ne le fut à Saint-Etienne ni dans l'impact, ni dans la justesse technique, parfois grossièrement déficitaire. «J'ai fait un match moyen, bien sûr, mais j'ai fait le maximum de ce que je pouvais faire, a-t-il reconnu après le match. J'ai pu travailler des automatismes avec certains joueurs que je n'avais pas vus depuis longtemps. On a été mis en difficulté, mais ça peut être une bonne chose, d'être mis en difficulté.»
« Je savais bien que, du jour au lendemain, il n'allait pas retrouver ses talents, a aussi abondé Raymond Domenech. Je suis déjà content qu'il ait joué 90 minutes. Il a payé en première mi-temps la saison qu'il a faite (NDLR, polluée par les blessures). Physiquement, il n'y est pas, mais le contraire serait ahurissant.» Le capitaine, lui aussi, confie qu'il comptabilise les raisons d'espérer en minutes passées sur le terrain plus qu'en passes réussies vers l'avant. Jouer un match entier avec l'équipe de France, il ne l'avait pas fait depuis le déplacement en Italie de septembre 2007 (0-0). «Sur le plan personnel, je suis satisfait d'avoir fait tout le match sans problème majeur. Je me sens bien, et j'espère débuter vendredi contre la Turquie, on verra ce qui va se passer pendant deux jours.» Le plus probable est que Raymond Domenech lui offre cette seconde chance. La dernière avant la ligne droite des qualifications, celle qui décidera de tout ? «Je n'ai rien à prouver» disait Vieira lundi. Cette phrase n'engage que lui. - Cédric ROUQUETTE (à Saint-Etienne)