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Chernobyl , la série qui revisite l’accident nucléaire
Un homme seul, la nuit, le 26 avril 1988, à Moscou, enregistre sur un magnétophone à cassette ce qui se révèle bientôt un testament sans pitié à propos de ce qui s’est passé la nuit du 25 au 26 avril 1986 à la centrale de Tchernobyl, en Ukraine, dont le cœur d’un réacteur entrait en fusion. Avec les conséquences qu’on sait, qui marqueront d’une pierre noire l’histoire de l’énergie nucléaire.
On comprend très vite que le déni des hauts responsables de la centrale va se transmettre aux instances dirigeantes du pays : ils vont mettre en branle la machine à mensonges officiels dont les fausses informations feront de nombreux morts et mettront gravement en danger des millions de personnes.
L’image, filmée en tons sous-saturés, est prenante, poisseuse ; l’atmosphère, sourde, menaçante, glauque à souhait. Elles reconstituent de manière convainquante une URSS parvenue à ses derniers souffles dans la glasnost balbutiante. Cette atmosphère glaçante plante le décor de la mini-série Chernobyl, créée par Craig Mazin (qui en est également le scénariste), que diffuse OCS le 7 mai, au rythme d’un épisode hebdomadaire, 24 heures après Sky au Royaume-Uni, et HBO aux Etats-Unis, qui en ont coproduit les cinq parties.
Chernobyl ne plaît pas au pouvoir russe
Si la mini-série créée par Craig Mazin et réalisée par Johan Renck contient certains éléments fictionnels, la reconstitution de ce drame est néanmoins minutieuse et très documentée dans le récit de cet accident nucléaire, le plus grave du XXe siècle. Le récit des faits, la fusion du coeur du réacteur, puis ses conséquences, en particulier le travail des sauveteurs soviétiques qui ont sacrifié leurs vies pour ralentir la contamination nucléaire, est saluée tant par la critique que par les spectateurs.Mais cela n'a pas l'heur de plaire en Russie. Au point que le Kremlin s'est engagé dans une croisade contre la série de HBO, croit savoir le journal indépendant Moscow Times (en anglais). Selon ce journal, le très populaire quotidien Komsomolskaya Pravda, pro-Kremlin, laisse entendre que la série Chernobyl a pour but de ternir l'image de la Russie en tant que puissance nucléaire. Un autre journal pro-pouvoir, Argumenty i Fakty, aurait qualifié la série de "caricature mensongère".
Moscou va tourner une série conspirationniste
Or, quoi de plus efficace qu'une série conspirationniste pour contrer une série déplaisante ? La chaîne russe NTV vient d'annoncer la production de sa propre contre-série, basée sur l'idée que la catastrophe de Tchernobyl était un acte de sabotage monté par des agents de la CIA. "Une théorie assure que des Américains avaient infiltré la centrale nucléaire de Tchernobyl et plusieurs historiens ne nient pas que le jour de l'explosion, un agent des services d'espionnage énnemis était présent dans la centrale", explique le réalisateur Alexei Muradov, qui s'est vu confier la série de NTV.
Toujours selon le Moscow Times, les autorités russes estiment en outre que seuls les Russes ont le droit de parler de leur histoire. Quitte à laisser de côté l'incroyable héroisme de ses propres citoyens, notamment les mineurs qui ont creusé un tunnel en vue de refroidir le réacteur tout en étant conscients du danger (et que raconte la série de HBO). Des Soviétiques qui ont sacrifié leur santé et /ou leur vie pour en sauver des millions d'autres, y compris européennes...