Il n'échappera à personne que la fameuse phase IV aura été ponctuée de nombreux événements et déboires, marquant ainsi, pour certains, un tournant pour cette passion qui nous anime tous , la collection de statues à l'effigie de nos chers Super Héros de Bande Dessinée. Ce qui nous amène à considérer pour l'avenir, et surtout ce que nous pouvons encore attendre d'un Randy Bowen manifestement en perte de vitesse et d'énergie.
Depuis le début de cette phase en janvier 2008, Randy nous aura littéralement bombardé de sculptures Marvel en tout genre : full size, mini bustes, variants à foison, redoes... Et même, après nous avoir fait miroiter du mythos, du Disney (la Gargouille).
Il est vrai à sa décharge que les exigences du contrat qu'il a signé avec La Marvel lui ont mis une pression phénoménale dans un contexte économique en forme de peau de banane. Mais après tout, ce contrat, c'est lui qui l'a signé, tout en sachant bien sûr que s'il ne faisait pas, il se retrouvait le bec dans l'eau, obligé de devoir réorienter en urgence son activité. Sûrement une erreur stratégique de sa part, car son modèle économique ne repose que sur sa licence Marvel.
Je pense que justement, la Marvel en a joué, traînant les pieds systématiquement et mettant ainsi la pression sur Randy, ainsi obligé de signer un contrat avec des exigences en hausse.
Cette pression (hausse du montant de la licence, accentuation du nombre de mini-bustes et de statues à sortir) le pousse donc à multiplier les projets et les sorties... Et de surcroît, dans un contexte de crise qui induit une chute des ventes et une redistribution des dépenses vers d'autres postes plus vitaux. Nous voilà donc avec notre brave Randy, obligé de lancer une multitude de projets, sollicitant les forces vives parmi ses collaborateurs habituels, tout en sachant que multiplication des sortie + crise éco = ventes qui ne décolleront hélas pas. Il devient donc logique de rogner sur tous les postes :
- rémunération des sculpteurs
- limiter les remaniements des sculptures même si la vindicte populaire l'y enjoint
- justes tirages pour limiter les risques d'invendus, car qui dit plus de sorties, dit moins de volume, les finances n'étant pas extensibles... surtout avec la crise.
- sélection des usines, censées produire au coût le plus bas en assurant un travail égal à celles dont la main d'oeuvre est plus chère... hum
Mais, il n'échappe à personne que les relations entre Randy et certains sculpteurs sont manifestement tendues, car Randy n'est pas forcément si tendre. Le sculpteur qu'il était a d'ailleurs cédé le pas au businessman qui cherche à faire tourner sa boîte. Certains sculpteurs ne travaillent quasiment plus, voire plus du tout pour lui.
Devant l'ampleur de la tache qui l'attendait pour cette phase IV, il a donc :
- sculpté, sous son nom, et en association avec des proches (sa femme ?) sous celui de son "pen-name" (les Kucharek Brothers).
- racheté des kits (Iron Man Classic Action par exemple, mais aussi le Destroyer qui devait être un kit de Helder)
- utilisé de jeunes sculpteurs, émergeant à peine : Helder, Chris Elizardo, Troy McDevitt. Cette méthode lui permet d'ailleurs de rémunérer à moindre coût ses sculpteurs, ceux ci ayant moins d'expérience.
- multiplié les déclinaisons de personnages "vendeurs", délaissant d'un côté, tout en le finançant, l'objectif qui voudrait qu'il réalise l'ensemble du bestiaire Marvel.
- confié les finitions de ses propres statues à d'autres (Daredevil Gargoyle, finalisé par Troy McDevitt)
- fait des customs de statues déjà sorties pour gagner du temps, au prix d'une uniformisation sans imagination.
- fait appel récemment à la CAO... Méthode permettant de retoucher un projet en cours de route à moindre frais, et surtout de gagner du temps grâce au support de l'informatique. Rapidité, moindre coût... et donc augmentation des marges dans un domaine en pleine évolution, sur lequel sont venus s'installer de solides concurrents, et surtout éclaboussé par la crise.
Hélas, de nombreux déboires sont venus perturber cette belle mécanique, avec en particulier :
- des problèmes de production avec des finitions douteuses et des peintures approximatives
- des problèmes d'échelle... avec ces statues naines, sortes de verrues qui dépareillent nos collections.
- une démobilisation de certains sculpteurs "historiques" de Bowen Designs. Car si certains, Mark Newman par exemple, font de l'alimentaire en travaillant pour Randy Bowen, ils y mettaient un peu plus de coeur et de talent auparavant. Il suffit de voir ses derniers travaux et de les comparer à ce qu'il a pu faire avant. Je pense que cela témoigne autant d'un problème au niveau de la direction artistique, que d'un manque de considération pour le travail effectué. Pour faire avancer un âne, il faut une carotte dit on...
Quid des collectionneurs, assaillis, que dis je, bombardés par le nombre des sorties dans ce contexte de crise économique ? Une chose est sûre : les complétistes sont en voie d'extinction. Il ne doit en rester qu'une poignée, sorte de survivors d'un monde révolu. Randy Bowen peut aussi compter sur son indéfectible groupe de fans, le congratulant à chaque nouvelle publication d'un WIP, ne fut il qu'une ébauche, voire des plus médiocre. Les autres ? Certains lâchent tout. D'autres ciblent leurs achats en se consacrant à certains personnages, ou à une team. Ou l'achat est juste déclenché par le ressenti devant la qualité d'une sculpture ou le talent d'un artiste. La multiplication de la concurrence a d'ailleurs ouvert de nouvelles perspectives à nombre de collectionneurs. Certains finissent même par redécouvrir le sens du mot "art".
Où va Randy Bowen maintenant ? Il est clair qu'il va progressivement, dans un souci de rentabilité et de rapidité, multiplier les projets CAO...
On ne s'embêtera plus avec des sculpteurs. C'est cher en main d'oeuvre et en matériel. En plus ça n'est pas toujours aussi performant qu'on le voudrait. Surtout si on ne le paye pas à sa valeur...
Ceci se fera hélas au prix d'une déshumanisation des sculptures, qui certes seront anatomiquement parfaites, sans "erreurs", lisses, retravaillées en fonction des premiers avis des fans. Nous aurons de jolis produits finis parfaitement calibrés... mais froids, dépourvus d'âme., de passion... Et le peu d'art qui subsistait dans ces créations qui nous sont si chères, sera mort, assassiné par la conceptualisation industrielle.
Et nous ? Je ne me fait pas de souci. Il y aura toujours quelque vieillerie à dénicher... Je viens d'ailleurs de chopper le buste IM classic de la phase I, sorte de truc très vintage, simpliste, pas forcément d'une finition exemplaire, mais produit à un moment où la passion animait ce hobbie et celui qui en est à la source.
Et puis tant d'autres choses à découvrir dans ce domaine. Les travaux de Moore. La fabuleuse patte de McDevitt. Les kits empreints de talent de petits producteurs...