Je pense que vous oubliez tous quelques points essentiels dans votre débat.
1) les comics sont un média destiné à la base au divertissement, et cherchent avant tout à cibler un lectorat populaire, même si au final les lecteurs se retrouvent dans toutes les couches de la société. De ce fait, on pourrait presque comparer les comics à un autre média : la télévision. En fait les comics (Marvel et son Distingué Compétiteur, puis Image à une autre époque) oscilleraient entre soap opera et série TV de seconde catégorie. Alors parfois, certaines séries, fortes d'une équipe artistique hors pair, arrivent à sortir du lot et pètent un score en se basant sur une histoire forte amenée par une équipe artistique hors norme... Et après... et bien plus dur et la chute. Car se maintenir au sommet est toujours difficile. Une série TV ne réussit jamais à se maintenir ad vitam eternam. Tôt ou tard, le concept, la qualité... tout se casse lamentablement la gueule... Sinon vous imaginez bien qu'on aurait encore les Galactica, Drôles de Dames, ou même les X-Files à la télé
De plus tôt ou tard, un auteur à succès, travaillant sur une série, aura envie d'évoluer et peut être de lancer ses propres projets, plus personnels. Il ira donc se faire voir sous d'autres cieux.
Notez qu'à côté des soap et autres séries bas de gamme, on a le Arte du comics avec Vertigo, Dark Horse et autres indés.
2) en matière de comics, tout ou presque a déjà été écrit ou publié. Il va être très difficile de renouveler le genre ou les thématiques.
- les invasions intergalactiques > déjà traité
- les mutants victimes d'une chasse à l'pas beau superior > déjà traité et retraités voire rabaché
- la trahison et le changement de personnalité > déjà traité
- la mort et la résurrection > déjà traité
- la mutation de certains personnages > déjà traité
- les combats cosmiques > déjà traité
- le clonage > déjà traité
- un infirme chauve télépathe en chaise roulante qui remarche > déjà traité
- une entité extra terrestre qui prend la place d'un SH > déjà traité
etc etc etc
Tout n'est que redite. Le traitement peut parfois différer, avec plus ou moins de talent et de succès. Mais une fois qu'une thématique a été abordée, il sera toujours difficile de faire aussi bien ou même de surpasser ce qui a déjà été fait. Surtout que beaucoup d'auteurs de comics aujourd'hui (et peut on parler vraiment d'auteurs chez la Marvel...) ont biberonné quasi exclusivement durant leur jeunesse aux jeux vidéos, à la TV, et... aux comics justement. Là où d'autres auteurs plus anciens avaient un vécu différent, un background culturel plus étoffé. Le prototype moyen typique d'ailleurs de l'artiste de comics : Rob Liefeld ou Todd McFarlane... Aller un plaisir, je me rajoute Jim Lee à la liste.
Et des McFarlane, des Lee, des Liefeld, il y en a plein aujourd'hui.... Bon des Liefeld peut être pas tant que ça.
3) Concernant les X-Men, ceux ci souffrent de plusieurs handicaps :
- le premier :
c'est un groupe de personnage dont il faut à la fois montrer des aventures avec de l'action, mais aussi développer la personnalité, l'aspect "privé". Et là, ça va coincer sévère, car comment développer cet aspect dans un média dont le format n'excède pas la trentaine de pages. Essayez d'imaginer un artiste qui se permettrait de pondre trente page de blablas, de beaux sentiments, de scènes de vie privée au tour d'un personnage le premier mois. Puis un autre le deuxième mois... Imaginez ça multiplié par le nombre de X-Men... Ben vous verrez peut être de l'action une fois l'an à ce rythme. Et vous allez voir les ventes s'effondrer et les actionnaires fulminer... L'artiste sera viré, et plus personne ne recommencera.
Les X-Men on de plus un inconvénient par rapport à d'autres titres de groupes de personnages comme Avengers. En effet, il n'y a pas (ou pas eu) de titre individuel permettant de mieux développer l'aspect personnalité de certains individus. A ce que ej sache, il n'y a pas eu de Colossus ou de Nightcrawler mensuels.
Du coup, le développement de la personnalité de certains mutant se voit diluer sur plusieurs années, et surtout sur plusieurs équipes artistiques, ce qui finit par ôter toute cohérence aux différents personnages.
Il faudrait enchaîner une équipe artistique à un titre... Mais là on se heurte aux volontés d'évolution des artistes (ils ont sûrement envie de faire autre chose), et à son épuisement intellectuel.
- le deuxième :
trop de X-men, trop de mutants, trop de titres X. Tout a explosé dans les années 1980-90. Avant, on avait les Uncany X-Men. Bien. Puis les New Mutants. OK, on peut bien avoir les jeunes mutants à l'école, c'est bon. Puis ensuite... Allons, les X-Titles se vendent bien. Multiplier le X devrait rapporter plus. Allons y pour Excalibur, X-Factor, X-Men, X-Force,... et hop un Wolverine mensuel par dessus. Le problème, c'est que pour remplir tout ça, il faut des mutants à foison. Aller hop inventons en...
Ben oui mais tout ça se fait au détriment de la qualité... hélas...
Perso, j'aimais bien l'idée d'un Scott Summers retraité des mutants. Pourquoi l'avoir ramené dans X-Factor alors qu'il coulait une vie paisible. On aurait pu l'imaginer en bûcheron exploitant les ressources naturelles de la forêt en participant au développement durable. Avec ses pouvoirs, il te débite un arbre à vitesse grand V. Hop il travaille un jour, il a fait les bûches et les planches pour le mois. Une auto-entreprise qui bûche peu, mais gagne beaucoup, replante des arbres, construit des maisons en bois.... bref quel pied.
Et Angel en milliardaire pouvait bien couler des jours heureux à chercher à améliorer le sort de l'humanité (j'imagine qu'il utilise sa fortune pour développer le solaire, la pile à combustible, pour amener la paix dans le monde, etc... vous imaginez un ange qui apporte la paix et des ressources énergétiques illimitées à la population mondiale... si ça c'est pas du super-héroïsme... au lieu de ça, ce crétin préfère se bastonner... quel gland.
Et le prof X dans une retraite spatiale, il était pas bien en apesanteur sans ses roulettes, hein ?
Multiplier les mutants aurait été OK si les nouveaux avaient poussé les anciens vers la retraite.
- le troisième de ces handicaps :
Claremont... qui, dans son progressif épuisement intellectuel, les a amené dans un inextricable fouttoir... et je pèse mes mots.
- le quatrième :
ben les scénaristes et éditeurs qui se sont succédés, et qui ont oublié que les personnages évoluent, grandissent et mûrissent.... Là, ils les ont fait plutôt régresser. Quel manque d'ambition...
4) Les comics suivent une tendance actuelle visant à assurer une audience artificiellement gonflée par des méthodes racoleuses facilement mise en oeuvre : action à tout va, exhibition, sexe, mise en exergue de la violence, manipulation et trahison (quitte à en oublier la cohérence). Alors ça peut marcher, surtout sur des individus qui se laissent progressivement lobotomiser et qui se voient transformer en "plateau TV" capable de bouffer n'importe quoi. Mais bon, il y a un autre public qui lui a évolué, et qui attend autre chose. Et la je crie "Vertigo, Dark Horse, Indés".
En conclusion : les comics ont connu leur âge d'or. Le meilleur est derrière nous (naissance et croissance des personnages). Le média évolue. Aujourd'hui, nous assistons à une sorte de mutation du monde des comics avec la sortie de "vraies BD" avec un format et une fréquence différents. Une sorte d'excroissance partie de l'ancien monde des comics underground. Je ne crois pas que l'avenir soit dans le soap ou la série de troisième catégorie. Alors oui, les comics Marvel et DC continueront d'exister, en perdant encore des lecteurs. Batman, Superman, Spider-Man, Iron man et consorts ne disparaitront pas demain. Mais il ne faudra pas attendre de grande originalité de leurs aventures.